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Une avancée historique sur le devoir conjugal, grâce à la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

L’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) le 23 janvier 2025 marque un tournant décisif dans l’évolution du droit matrimonial en France.

Cette décision consacre la primauté du respect de la vie privée et de la liberté sexuelle au sein du couple. Elle condamne ainsi la réaffirmation du « devoir conjugal » comme fondement d’un divorce pour faute.

Un divorce contesté

L’affaire concerne une femme qui avait déposé une requête en divorce en 2012. Elle avait assigné son époux pour faute en 2015, invoquant des violences. Elle invoquait aussi un désintérêt de ce dernier pour la vie familiale.

En retour, son mari avait demandé le divorce à ses torts exclusifs. Il mettait en avant une absence prolongée de relations sexuelles durant leur mariage.

En première instance, le juge aux affaires familiales rejette la faute des deux parties. Le juge estimait en effet que les griefs n’étaient pas suffisamment établis.

Cependant, la cour d’appel de Versailles prononce finalement le divorce aux torts exclusifs de l’épouse. Pour cela, elle se fonde sur son aveu d’une absence de relations sexuelles pendant dix ans.

La Cour de cassation confirme cette décision en 2020.

La CEDH sanctionne la France concernant le « devoir conjugal »

L’épouse estimait que son divorce avait été prononcé sur une base violant son droit au respect de la vie privée (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme). C’est dans ces conditions qu’elle a saisit la CEDH.

La Cour de Strasbourg lui donne raison. Elle déclare ainsi que l’obligation matrimoniale d’entretenir des relations sexuelles est contraire à la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps.

La CEDH rappelle que le consentement au mariage ne saurait être assimilé à un consentement automatique et permanent aux relations intimes.

Elle souligne également que sanctionner civilement un refus d’avoir des rapports sexuels entre en contradiction avec les principes fondamentaux de la Convention. Elle vise cela notamment en matière de lutte contre les violences domestiques et sexuelles.

Une vision archaïque du mariage rejetée

Cette décision met fin à une conception du mariage selon laquelle l’obligation de communauté de vie implique un « devoir conjugal » contraignant.

La CEDH insiste sur le fait qu’un mariage ne saurait prévaloir sur la liberté individuelle. Ainsi, tout individu doit pouvoir refuser une relation intime sans encourir de sanction.

Le gouvernement français défendait la position selon laquelle le divorce pour faute sur ce fondement était prévu par la loi. Il estimait aussi que cela poursuivait un but légitime de protection des droits d’autrui. Le gouvernement se voit dès lors opposer un refus clair de la Cour.

Les juges rappellent que le conjoint demandant le divorce avait d’autres moyens d’y parvenir, notamment en invoquant l’altération définitive du lien conjugal.

Vers une évolution du droit matrimonial : une avancée historique

Cet arrêt réaffirme que le droit de refuser un rapport sexuel est absolu et ne peut être remis en cause par une quelconque obligation juridique.

Il ouvre ainsi la voie à une remise en question plus large des notions de faute dans le divorce et pose un jalon important dans la reconnaissance de la liberté sexuelle au sein du mariage.

En refusant d’accorder un euro symbolique à la requérante au titre du dommage moral, la CEDH estime que le simple constat de violation de l’article 8 constitue une satisfaction suffisante.

Cette avancée historique  sur le devoir conjugal impose une réflexion sur l’adaptation du droit de la famille aux principes de liberté et d’égalité, dans un contexte où la protection des droits fondamentaux ne cesse d’évoluer.

Ce qu’il faut retenir
  • La CEDH condamne la France pour avoir prononcé un divorce pour faute sur le fondement d’une absence de relations sexuelles.

  • La Cour rappelle que le consentement au mariage n’implique pas un consentement permanent aux rapports sexuels.

  • Cette décision marque une avancée majeure dans la reconnaissance de la liberté sexuelle au sein du couple.

  • Elle remet en question la notion traditionnelle du « devoir conjugal » et pose un jalon important pour l’évolution du droit de la famille.

 

Devoir conjugal : une avancée historique | Avocat en Droit de la Famille | Flora Richard-Flachaire